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Lois et règlements

Quelle est notre obligation face à un feu jaune?

Par Me Félix-Antoine Blais, Me Pierre-Olivier Dumas, Me Sarah Routhier et Me Camille Couture.

Un de vos conducteurs arrive à une intersection et le feu de circulation tourne au jaune. Une décision rapide doit être prise. Doit-il s’arrêter ou peut-il continuer?

Obligation légale et exceptions

L’article 361 du Code de la sécurité routière (« Code ») prévoit que face à un feu jaune, le conducteur d’un véhicule routier doit immobiliser son véhicule avant le passage pour piétons ou la ligne d’arrêt ou, s’il n’y en a pas, avant la ligne latérale de la chaussée qu’il s’apprête à croiser. Contrairement à l’infraction relative au non-respect d’un feu rouge, cette obligation est suivie de deux exceptions.

  • 361. À moins d’une signalisation contraire, face à un feu jaune, le conducteur d’un véhicule routier ou le cycliste doit immobiliser son véhicule avant le passage pour piétons ou la ligne d’arrêt ou, s’il n’y en a pas, avant la ligne latérale de la chaussée qu’il s’apprête à croiser, à moins qu’il n’y soit engagé ou en soit si près qu’il lui serait impossible d’immobiliser son véhicule sans danger. Il ne peut poursuivre sa route que lorsqu’un signal lui permettant d’avancer apparaît.

    Un feu jaune en forme de flèche peut être utilisé pour régir l’immobilisation pour une manœuvre particulière.

D’abord, le conducteur n’est pas obligé de s’arrêter si le véhicule est déjà engagé dans l’intersection. Comme souligné précédemment, on considéra que le véhicule est engagé s’il a dépassé le passage pour piétons, la ligne d’arrêt ou, en l’absence de ces signalisations, la ligne latérale de la chaussée. Notons néanmoins que dans ce cas, le conducteur doit tout de même s’assurer qu’il dispose à l’avant d’un espace suffisant pour ne pas bloquer l’intersection[1].

Ensuite, le conducteur n’a pas à s’arrêter s’il est si près de l’intersection qu’il lui serait impossible d’immobiliser son véhicule sans danger. Concernant cette deuxième exception, les tribunaux n’ont pas défini de mesure précise quant à la distance acceptable entre le véhicule et l’intersection. Les juges doivent ainsi évaluer les circonstances propres à chaque évènement, notamment la distance avec l’intersection et le danger soulevé, pour tirer quelconque conclusion quant à l’impossibilité du conducteur de s’immobiliser. Certaines décisions recensées[2] maintiennent que pour soulever ce moyen de défense, la cause de l’impossibilité doit être fortuite et imprévisible. On y soulève les passages pertinents de la doctrine :

« L'inculpé ne doit pas être l'artisan de son propre malheur. L'état de nécessité ne doit pas être imputable à sa propre incurie. Le prévenu dont le comportement rend le péril "clairement prévisible" se voit forclos de prétendre faire face à une situation  incontournable. »[3]

Concernant cette notion, il a déjà été jugé que l’état glissant de la chaussée n’avait rien d’imprévisible puisque les conditions de conduite l’hiver sont connues des québécois.[4] À l’inverse, il a déjà été décidé que la chaussée glacée, notamment, avait rendu impossible le respect de la signalisation[5]. On doit en conclure qu’il s’agit d’une question de circonstances laissée à l’appréciation du juge.

En plus de ces deux exceptions, comme il s’agit d’une infraction de responsabilité stricte[6], il est possible de présenter une défense de diligence raisonnable. On doit alors se demander si une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances et ayant pris toutes les précautions nécessaires aurait aussi commis l’infraction. Encore une fois, dans ce type de défense, les juges examineront toutes les circonstances entourant l’évènement. Est-ce que le conducteur respectait la limite de vitesse? Avait-il adapté sa conduite aux conditions de la route? La jurisprudence met l’emphase sur l’importance de la prudence[7]. En bref, la deuxième exception de l’article 361 prévoit que le conducteur peut traverser le feu jaune s’il se trouve si près qu’il est impossible de s’immobiliser sans danger alors la défense de diligence raisonnable peut servir dans la situation où le conducteur aurait le temps de s’arrêter, mais ne peut pas le faire pour une autre raison et ce, alors qu’il a fait preuve de preuve de prudence et a été diligent dans sa conduite.

Conséquences

Il est vrai que l’infraction pour non-respect d’un feu jaune n’entraine pas de point d’inaptitude pour le dossier personnel d’un conducteur. Toutefois, attention ! Les conducteurs de véhicules lourds verront leur dossier de conduite professionnel impacté de 3 points dès la constatation de l’infraction. L’évènement apparaitra aussi au dossier PEVL avec une pondération de 3 points à la section 8. L’accumulation de ces points peut entrainer une éventuelle convocation devant la Commission des transports du Québec. Enfin, l’amende pour une contravention à l’article 361 Code se situe entre 100$ et 200$ en plus des frais.

En prévision de la saison hivernale, n’hésitez pas à rappeler à tous d’être prudents et d’adapter la conduite aux conditions routières ! Nous vous rappelons que l’article 3.1 du Code oblige tout usager de la route à faire preuve de prudence et de respect lorsqu’il circule sur un chemin public.

 

[1] Article 366, Code de la sécurité routière, RLRQ, chapitre c.24.2.

[2] Saguenay (Ville de) c. Daher, 2007 QCCM 557 (CanLII); Saguenay (Ville de) c. Boudreault, 2005 CanLII 81119 (QC CM). 

[3] Côté-Harper, Rainville et Turgeon, Traité de Droit Pénal Canadien, 4ième éd., Éditions Yvon Blais, 1998, p. 1269-1274.

[4] Saguenay (Ville de) c. Boudreault, 2005 CanLII 81119 (QC CM).

[5] Saguenay (Ville de) c. Paré, 2014 QCCM 381 (CanLII).

[6] Longueuil (Ville de) c. Morin, (C.M., 1999-05-04), SOQUIJ AZ-99036504, B.E. 99BE-952.

[7] Saint-Laurent (Ville de) c. Issa, 1997, nº 91116,  BJCMQ 97-092 (C.M.); Saint-George (Ville de) c. Thibodeau, 2006, nº06-00991-1 (C.M.).